Comment parvenir au plein emploi et comment y rester 

Dans le livre «  Le Précipice » , ouvrage d’entretiens (1) avec Noam Chomsky rassemblés dans ce recueil et menés par C.J. Polychroniou entre 2018 et avril 2022, le linguiste américain aborde le thème de «  Comment parvenir au plein emploi et comment y rester ? »

Celui-ci affirme que dans toute économie, deux facteurs fondamentaux déterminent le nombre d’emplois disponibles à un instant donné.  Le premier d’entre eux est le niveau global d’activité (mesuré de façon grossière, voire inadéquate, par le PIB), et le second, la part du PIB consacrée à l’emploi. « Dans la foulée de la Grande Récession de 2008, le PIB des États-Unis a affiché une croissance anémique de 1,3 % par an, contre une moyenne de 33% de 1950 à 2007. Si, ces dix dernières années, la croissance économique s’était approchée de cette moyenne historique, assez d’emplois auraient été créés pour embaucher les 13 millions de personnes qui, selon les statistiques officielles, sont aujourd’hui au chômage ou sous-employées ainsi que les 9 millions d’individus qui ont quitté la population active depuis 2007.
Quant aux secteurs à fort potentiel de création d’emplois, citons-en deux exemples. Investir 1 million de dollars en éducation génère environ 26 emplois aux États-Unis, soit plus du double des 11 emplois créés dans les forces armées avec le même million. De même, investir 1 million de dollars dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique crée plus de 16 emplois aux États-Unis, tandis que le même million investi dans les combustibles fossiles n’en crée que 5,3. 
Bâtir une économie verte génère donc environ trois fois plus d’emplois par dollar investi que maintenir la dépendance du pays aux combustibles fossiles. Par conséquent, les politiques d’emploi devraient viser avant tout l’accélération de la croissance économique et la redéfinition des priorités de celle-ci. Il faudrait multiplier les possibilités d’éducation à tous les niveaux et bâtir une économie verte, tout en réduisant les dépenses militaires et l’utilisation des combustibles fossiles. Un programme de plein emploi devrait aussi mettre l’accent sur les conditions de travail, à commencer par les salaires. En 2016, le salaire moyen des employés non cadres était de 4% inférieur à ce qu’il était en 1973, alors que pendant la même période de quarante-trois ans, la productivité moyenne de la main-d’œuvre (le rendement de chaque travailleur sur un an) a plus que doublé. La totalité des gains issus de ce doublement a été empochée par les cadres et, surtout, par les propriétaires et les actionnaires des entreprises, qui ont vu leurs profits exploser. Rien ne saurait mieux illustrer les conséquences néfastes du capitalisme néolibéral sur la classe ouvrière américaine. La seule solution possible passe par l’amélioration du pouvoir de négociation des travailleurs. Le monde a besoin de syndicats plus forts, et d’une meilleure protection de la main-d’œuvre, qui doit inclure un salaire minimum fédéral de 15 dollars de l’heure. Le tout doit être accompagné de politiques visant l’augmentation du nombre d’emplois offerts. Dès la première heure, le néolibéralisme a compté parmi ses objectifs fondamentaux le démantèlement des protections des travailleurs. On constate aujourd’hui une variante particulièrement vigoureuse de cette approche dans les politiques prétendument «centristes » du président français Emmanuel Macron. Et qu’en est-il des changements climatiques? Selon une idée reçue, que Trump (Il était président des USA au moment de l’entretien), celui-ci martèle sans relâche depuis deux ans, les politiques de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement planétaire nuisent à l’emploi et doivent donc être mises au rebut. Or, cette affirmation est absolument fausse. En fait, comme le montrent les chiffres cités ci-dessus, la transition vers une économie verte est bénéfique pour l’emploi, nettement plus que le maintien de l’infrastructure énergétique actuelle, qui repose sur les combustibles fossiles et constitue la principale cause de la catastrophe écologique dans laquelle s’enfonce la planète. »

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(1) Édité par Lux Québec 

Photo de Kateryna Babaieva sur Pexels.com
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