Un capitaine du Real Madrid victime de la répression franquiste

Si vous êtes amateur de football et si un jour vous vous rendez-vous au musée du stade Santiago  Bernabéu, stade mythique du Real Madrid et non pas du Réal de Madrid, n’est-ce pas Ludovic Obraniak ! Vous pourrez voir les nombreux trophées gagnés par ce club.  Mais aussi revoir en images les grands joueurs qui ont fait la légende du club « merengue ».  Di Stephano, Puskas, Gento, Kopa, la quinta del butire, Beckham, Figo, Kaka, Ronaldo le vrai, Ronaldo le Portugais, Raoul, Zidane et bien sûr Benzema y sont glorifiés.
Mais ne cherchez pas  le nom de Patricio Pedro Escobal, vous ne le trouverez pas

Pourtant celui-ci  fut capitaine du club dans les années 1920 à une époque où le football était un passe-temps uniquement masculin pratiqué notamment par des joueurs que les clubs d’alors allaient chercher dans les universités. Patricio était justement présent dans la capitale espagnole pour étudier, notamment à l’École technique d’ingénieurs industriels.
Patricio Pedro Escobal Lopez est connu aussi pour avoir été un des animateurs  du débat de la professionnalisation du football en Espagne.
Ce  joueur, né à Logroño en 1903 a toujours défendu l’idée que les footballeurs étaient des ouvriers comme les autres. À cette époque tandis que les clubs engrangeaient des sommes rondelettes, eux joueurs n’avaient rien en retour. Escobal fut l’un des promoteurs de la Soccer Workers Association, un syndicat créé à la fin des années 1920 qui eut  du mal à se développer en raison de la pression des clubs.
Athlétique et expérimenté il se fit repérer et signa  une  licence comme défenseur au Real Madrid de 1921 à 1928, lorsque le championnat de la Ligue nationale n’existait pas encore. Il fut muté  ensuite au Racing Club de Madrid et finit par disputer une autre saison (30-31) au Real Madrid. Plus tard, il est retourné à Logroño et a joué pour le Club Deportivo Logroño, le prédécesseur de Logroñés.  

Sa meilleure saison fut celle de 1924. Il était titulaire lors du match d’ouverture du stade Chamartín. Il était ami avec un autre joueur devenu très célèbre : Santiago Bernabéu. Il fut sélectionné avec l’équipe d’Espagne pour les JO de Paris 1924 où il joua le tour préliminaire, l’équipe d’Espagne fut éliminée 1 à 0 par l’Italie.

Comme beaucoup d’Espagnols, la guerre civile 1936 / 1939 le surprit dans cette région de la Rioja où le conflit ne dura que quelques jours; assez pour que les Franquistes achèvent quiconque pouvait s’opposer à leur soulèvement militaire.

Militant de la gauche républicaine, franc-maçon et élu au conseil municipal de Logroño. Escobal fut incarcéré dans les trois centres d’internement que les fascistes avaient mis en place à Logroño. Il finit par être condamné à mort, mais souffrant de la maladie de Pott , il échappa à l’exécution et finira par mourir en exil, à New York en 2002.

Cette expérience carcérale, Patricio   la raconta dans un livre publié en 1968 en anglais, de peur que le régime franquiste n’exerce des représailles contre sa mère, qui vivait toujours en Espagne.

Intitulé « The sacks » ou « Las Sacas » il est désormais réédité par la maison d’édition  espagnole « Pepitas de Calabaza »

Les sacas de presos (littéralement « sortie de prisonniers » en français), ou sacas, selon l’usage familier de l’époque, furent des situations de violence ayant eu lieu dans les prisons de différents lieux d’Espagne, pendant la Guerre civile espagnole. Celleci consistèrent à sortir massivement et systématiquement des prisonniers des prisons dans le but officiel de les libérer, mais pour finalement les exécuter
Dans ce livre , Escobal dresse les portraits de ses geôliers, des magistrats à l’audience, des anarchistes, d’un pasteur et enseignant protestant…Bien qu’il change certains noms pour protéger les familles de ces personnages qui à cette époque vivaient encore à Logroño. Escobal y raconte la cruauté , la peur de ce que des milliers de personnes emprisonnées ont dû subir, dans des prisons surpeuplées, avec des conditions d’hygiène insalubres.
Les anecdotes sont poignantes comme lorsqu’il raconte avoir vu comment une personne récitait pendant la nuit des noms de personnes qui ne reviendraient jamais à la prison. Ce livre est essentiel afin de connaître ce qui se déroula dans ces prisons où la répression fasciste fut inhumaine. The Sacks est essentiel aussi pour que les générations futures puissent connaître de la main d’une des victimes ces faits qui sont à ne jamais oublier au risque de revivre  ces exactions  à nouveau. L’histoire n’est qu’un perpétuel recommencement pour ceux qu’ils l’oublient et pour ceux qui tendent à la faire oublier pour des raisons toujours économiques et de soif de pouvoir.
« Quand je suis parti en exil aux USA , je ne connaissais même pas la langue.   Je suis arrivé avec mon jeune fils. Au début, j’ai travaillé dans un magasin d’électroménagers, mais finalement j’ai obtenu un emploi au conseil municipal de New York, et l’une des choses dont j’étais le plus fier était d’avoir amélioré l’éclairage dans le quartier de Queens. À partir des années 60, je suis retourné en Espagne une fois par an pour rendre visite à ma mère » expliquait Escobal à un journaliste espagnol.
Son  fils, éminent mathématicien a participé à la mission Apollo 11 de la NASA qui a permis. à l’homme de poser les pieds sur la Lune.

L’auteur de The sacks est mort en 2002 à Manhattan.

Patricio Pedro Escobal Lopez est le 4e à partir de la gauche au second rang. – Photo DR

%d blogueurs aiment cette page :