Il est des livres déclencheurs de réminiscences comme peut l’être « Du côté de chez Swann » de Proust.
Le dernier opus d’Azouz Begag : « L’arbre ou la maison » est à classer à dans ce genre.
Une fois encore, avec “L’arbre ou la maison”, l’auteur lyonnais nous livre avec son humour habituel, son autodérision, ses doutes et ses émotions sincères, une grande part de lui-même.
Après le décès de leur mère, deux frères, l’arboriculteur bougon Samy et l’écrivain Azouz décident de retourner en Algérie afin de décider du sort la maison de leur enfance. Leur père, modeste ouvrier immigré illettré, a bien construit une maison et planté un peuplier dans un quartier populaire de Sétif dans les années 1960. Le désir de finir ses jours “au pays” ne se réalisa jamais, car son choix fut de rester à Lyon où les enfants s’étaient intégrés. Mais l’arbre a crû jusqu’à menacer les fondations du bâtiment.
De retour à Setif , les deux frères sont immergés dans un pays en pleine révolution démocratique. Le temps de nettoyer les tombes de leurs parents et de vérifier l’état de la maison familiale, tandis que Samy le terrien , finalement si humain, l’incompris de son père, bougonne à l’idée de remettre les pieds dans cette ville où il n’a plus de repères, Azouz est impatient d’assister à la révolution démocratique qui secoue le pays. Par-dessus tout, il espère retrouver Ryme, la femme qu’il aime depuis toujours, son cordon ombilical qui le lie à la terre de ses ancêtres. Ryme l’orpheline recueillie dans la maison après le massacre de ses parents durant “la décennie noire” ? Ryme, amoureuse discrète et attentionnée, éprise de littérature, a gardé l’espoir de le revoir et de partager sa vie. Mais à Sétif, Samy et Azouz ne reconnaissent plus rien, et aux yeux des locaux, ils sont devenus des étrangers, des bi. Azouz s’obstine à tirer les fils ténus de la culture populaire qui relient encore une rive à l’autre par-delà la Méditerranée : Mouloudji, Lionel Messi et le Barça, la grand-mère d’Édith Piaf et même… La vache qui rit, le goûter de tous les enfants pauvres ! Quant à Ryme, l’amour de la liberté lui a donné des ailes, comme à son peuple.
Il n’y a que le bel arbre planté par leur père devant la maison, un demi-siècle plus tôt, qui n’a pas changé de place. Mais il a tellement grandi que ses racines en menacent les fondations. Les deux frères se retrouvent ainsi face à un dilemme : garder l’arbre ou la maison.
Azzouz Begag est né en 1957 à l’hôpital Edouard Herriot. Il vécut dans le bidonville le Chaâba de Villeurbanne puis dans les HLM de la Duchère . Son premier roman autobiographique, paru en 1986 aux Éditions du Seuil, “Le Gone du Chaâba”, où il decrit son enfance, fut un succès d’édition. Ses activités diverses, carrière politique, parfois mouvementée sous la présidence de Jacques Chirac, postes d’enseignant ou de chercheur au CNRS, carrière diplomatique, n’ont jamais réussi à le détourner de l’écriture.
Ce docteur en économie, ex-ministre délégué chargé de la promotion de l’égalité des chances dans le gouvernement de Dominique de Villepin, est – à ce jour –, auteur d’une vingtaine de romans, de nombreux ouvrages pour la jeunesse, de plusieurs essais ou publications scientifiques autour des thèmes de l’immigration, des banlieues, des discriminations ou de la pauvreté.
L’arbre ou la maison d’ Azzoug Begag – 294 pages – Editions Julliard – 2021