Quand la fable souille l’épopée

Le premier roman d’Amina Damerdji « Laissez-moi vous rejoindre » aux éditions Gallimard sur la vie d’Haydée Santamaria, grande figure de la révolution cubaine, devrait plaire à un grand nombre de lecteurs et pourquoi pas figurer parmi les lauréats de prix littéraires. 
Le style de l’auteure est fluide, les 318 pages se lisent facilement. L’épopée du Mouvement révolutionnaire de la Génération du centenaire est bien décrite. On y côtoie de grandes figures telle que Fidel Castro.  

Un premier roman publié chez NRF de Gallimard n’est pas donné au premier écrivain venu. Ceux qui ont essayé de publier les œuvres à compte d’éditeur pourront vous confirmer la galère.
Si les trois quarts de ce roman raconte la jeunesse de celle qui deviendra présidente de l’Organisation latino-américaine de solidarité mais aussi évoque la genèse de ce mouvement révolutionnaire populaire et les années 1951 à 1953 qui se sont conclus par l’exécution de son frère Abel, après l’échec de l’attaque de la caserne de la Moncada, sa conclusion tient plutôt de la fiction. 
Cuba était dirigé depuis 1952 par le coup d’État du dictateur et militaire Batista. Celui-ci fut appuyé par le gouvernement des États-Unis dont l’île était le lieu preféré de vacances des riches de Floride et leur lupanar. 
La révolution populaire pourtant y triomphera. Les USA y organiseront un embargo strict qui tient encore de nos jours. Tout n’y fut pas rose mais qu’auraient fait la France et les Français dans une tel scénario.
Pourquoi l’auteure se permet de faire des suppositions sur ce qui a motivé la mort de cette héroïne ? Celle-ci n’appartient qu’à Haydée et faire un lien avec les nombreux cubains qui quittèrent l’île cette année-là est presque indécent.
La propagande américaine lors des années de la présidence de Reegan y fut plus qu’active. C’est bien de continuer à la propager.
Haydée Santamaria fut toujours la même, une profonde révolutionnaire. Le choc psychologique subi après l’exécution de son frère et de son fiancé et les atrocités qu’elle vécut après l’attaque de la Moncada ont toujours été présents dans ces faits et gestes, fut-ce, ce dernier contraire au pensum révolutionnaire. 
 
Phare de l’Amérique du Sud après la seconde guerre mondiale, la France n’est plus qu’un lumignon pour de nombreux intellectuels de ces pays, chasse gardée des impérialistes américains et de leurs vassaux occidentaux y compris français.

Faire parler les morts surtout lorsque ceux-ci sont des légendes peut s’évérer un art difficile. En tirer une conclusion sur « la lassitude et le désenchantement, au seuil de l’ultime sacrifice » C’est dire son suicide en juillet 1980 tient plutôt d’une moralité toute occidentale prompte à donner des leçons à des individus qui ne s’inscrivent pas  dans la pensée unique portée par des soutiens de celle-ci.


« Laissez-moi vous rejoindre » d’Amina Damerdji – Collection NRF Gallimard – 318 pages

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